Le Guerrier dans son environnement

     

Niveaux d'attention à l'environnement et états de stress

Les militaires sont particulièrement intéressés à fournir à leurs hommes des techniques visant à augmenter leur aptitude à surmonter le stress du combat. Le colonel Jeff Cooper, ancien officier de la marine américaine et adepte du tir de combat sportif a mis au point un système pratique représentant les états d'attention par un code de couleurs.

Blanc : la couleur "Blanc" est représentative de l'attention diffuse ( ou inattention ) à son environnement où on est capable d'effectuer des gestes simples et habituels sans y prêter attention. Par exemple être assis dans son salon à regarder une rediffusion à la télé, complètement relax .

Jaune : la couleur "Jaune" représente l'état d'attention sans objet précis, qui permet pourtant de percevoir une anomalie ou un détail intéressant. On peut rester indéfiniment dans cet état de vigilance sans fatigue. Dans l'exemple précédent vous venez de percevoir un bruit inhabituel dans l'appartement sans en connaître l'origine. Vous posez votre cannette de bière et devenez un peu plus attentif que dans la condition "Blanc"

Orange : la couleur "Orange" représente l'état d'attention où il y a une menace claire et peut-être dangereuse mais pas forcément dirigée contre vous. L'esprit élabore des stratégies, analyse différentes possibilités
On peut demeurer plusieurs heures dans cet état.

 Dans l'exemple précédent, vous entrez dans la pièce voisine pour déterminer l'origine de ce bruit et vous voyez que la fenêtre est ouverte, un pied de biche est posé sur la table, quelques tiroirs de la commode sont ouverts. Après analyse de ces éléments, vous vous préparez à téléphoner à la police.

Rouge : la couleur "Rouge" représente l'état d'attention au moment de la perception du danger immédiat et dirigé contre vous.

Le voleur était caché dans un coin de la pièce et, vous voyant le téléphone en main, il se lève et s'approche de vous armé d'un couteau. La menace est très réelle; il faut fuir ou se battre. Cet état ne peut être maintenu que quelques minutes. Il est caractérisé par un état de stress intense où le corps se prépare à l'action.

Noir : la couleur "Noir" représente l'état de choc, de stupeur où l'esprit est incapable de faire face à la situation. Le corps est tétanisé, l'esprit figé. Alors que l'état "Blanc" désignait une absence par inattention, distraction ou excès de confort, le "Noir" résulte d'un excès de stress qui provoque la disjonction de l'esprit ( état de choc ).

Dans notre exemple, la vue du couteau peut suffire à paralyser un paisible père de famille non préparé à la violence.

Indications sur la pratique des états d'attention

Généralités :

Dans la vie courante la plupart des gens agissent  en condition "Blanc". Se rendre à son travail en métro par exemple peut s'effectuer de façon parfaitement machinale, sans prêter d'attention consciente à l'itinéraire habituel, tout en étant absorbé par ses pensées.

Les gestes d'éviter les obstacles, de tourner au bon endroit sont automatiques, jusqu'à ce qu'un événement inhabituel se produise. Cet événement peut être anodin : quelqu'un vous demande l'heure. Il peut être plus préoccupant : on vous vole votre portable ( vous passez alors directement de l'état "Blanc" à l'état"Rouge" ou "Noir" selon le degré de violence de l'agression ). Quand vous êtes en "Blanc" on pourrait aussi vous voler votre portefeuille sans violence et sans que vous le remarquiez.

S'il est parfaitement légitime d'être en condition "Blanc" chez soi ou dans des endroits familiers et sûrs il est des circonstances où il est préférable d'être attentif et préparé à être confronté à la réalité des événements. Il s’agit en fait de reconnaître si son état de vigilance est adapté à la situation et de le modifier en conséquence.

Entraînement à la perception des états d'attention

La pratique de base est de prendre conscience le plus souvent possible de l’état actuel et de le cataloguer"Blanc", "Jaune", etc…

Cela peut prendre la forme d’un rappel ; par exemple au volant de sa voiture on peut se rendre compte subitement que l’on vient de traverser plusieurs carrefours sans se rappeler les conditions de circulation: On suppose que les feux étaient verts et que l’on a cédé les priorités requises ! ( "Blanc" )

A l'inverse dans des conditions de circulation complètement chaotiques ( manifestations,… ) on peut se sentir tout à coup très fatigué après de grands efforts de conduite ( "Rouge" )

 L'étape suivante est de se placer consciemment dans l'état requis, généralement "Jaune", car le fait d'être capable d'opérer ce choix caractérise une situation calme.

 Au volant par exemple, cela revient à observer l'environnement dans les 4 directions, noter le déplacement des véhicules, les piétons se préparant à traverser, cette voiture qui vient de se garer et dont la portière risque de s'ouvrir brusquement, les enfants qui jouent sur le trottoir, le véhicule qui vous suit de trop près, etc..

 Percevoir tous ces détails en condition "Jaune" permet d'anticiper les choses sans être surpris et d'être confronté éventuellement à des décisions importantes en passant  par la condition "Orange" qui est une phase d'analyse très riche; c'est dans cet état que l'esprit élabore des stratégies d'action pertinentes. Le fait d'être plongé d'un état "Blanc" à "Rouge"ne donnerait lieu qu'à des réactions instinctives, efficaces dans des situations simples, mais peut-être inadéquates dans des scénarios compliqués.

On peut remarquer également que l'habitude de se placer consciemment en état "Jaune" facilite l'acquisition d'une sorte d'intelligence de la situation qui, par la perception et l'interprétation de minuscules détails, permet quasiment d'en prédire l'évolution ( Au volant, par exemple, on ne sera pas surpris par la manœuvre d'un véhicule que d'infimes détails laissaient prévoir ).

La partie la plus difficile est de pouvoir redescendre d'un ou plusieurs niveaux d'attention lorsque l'état de vigilance aiguë n'est plus nécessaire. Lorsque la confrontation est terminée ( état "Rouge" ) on observe souvent 3 tendances :

demeurer inutilement dans cet état de stress

être tellement submergé par l'intensité de l'épreuve que l'on devient "Noir"

être tellement soulagé de la fin de l'épreuve que l'on se place en condition "Blanc"

La réaction appropriée devrait être "Jaune" afin d'être en mesure de comprendre ce qui vient d'arriver, d'observer la situation actuelle ( est-elle vraiment sûre ?, subsiste-il d'autres menaces ? ), et de prendre les mesures nécessaires.

Comment peut-on passer rapidement de "Rouge" à "Jaune" ? Certains le font très facilement, par exemple un voyou des rues sera parfaitement à l'aise avant le combat, passe en "Rouge" lors de l'affrontement puis retrouve rapidement l'état "Jaune".

Les militaires, par leur entraînement, se relient à l'énergie de la colère, ou au sens du devoir, à la défense de la patrie, etc.. , pour ne pas être absorbé totalement par l'intensité de la situation. L'idée est de disposer d'un point de référence qui permet de garder une légère distance avec l'action, voir les choses de façon légèrement impersonnelle, s'observer en train d'agir.

Notes :
On trouvera sur le Net quelques bons articles sur les codes de couleur de Jeff Cooper, par exemple :
http://www.teddytactical.com/SharpenBladeArticle/4_States%20of%20Awareness.htm

On notera que le GIGN, l'élite de la police française, utilise aussi ces concepts, légèrement modifiés.
Voir par exemple : sur le site du GIGN

La condition "Noir" ne fait pas partie, à l'origine, du système développé par Jeff Cooper. Elle a été introduite par les "Dorje Kasungs", protecteurs et membres d'un service d'ordre bouddhiste.
A l'opposé des militaires qui considèrent qu'un soldat dont l'esprit vient de "disjoncter" est hors de combat et ne présente plus d'intérêt, les bouddhistes, eux, considèrent que toute expérience est digne d'être analysée et source de progrès futurs.